Sylvie Coëllier - Novembre 2018

(Catalogue  Mucho Dinero - Editions Bernard Chaveau - 2018)

Mucho dinero. C’est annoncé. Le travail artistique de Mary Pupet s’intéresse à l’argent. Sur la couverture de son catalogue (*), une main, tenant entre ses doigts des pépites, nous montre qu’el dinero, c’est de l’or. Et l’or, c’est bien plus que l’argent. L’or, c’est de l’or.

Dans le ruisseau de boue, l’orpailleur fouille et tamise les alluvions, les graviers, la vase pour découvrir la pépite. Dans le bouillon du monde, dans les méandres de la société humaine et de ses relations à un milieu que l’on n’ose plus nommer naturel, l’artiste extrait de l’art. L’artiste découvre des paillettes, elle ou il trouve des pépites. Et parmi les fleuves qui inondent notre monde aujourd’hui, le plus boueux, le plus chargé de scories est, à n’en pas douter, l’économie.

L’or c’est plus que de l’or pour l’art. L’art travaille avec les symboles au long cours, et à ce titre, il convoque l’imaginaire ancestral comme le désir actuel de la richesse, de l’éclat, de la puissance, du pouvoir. Il est l’authenticité de la valeur, mais il se retourne aussi bien en vanité, en superficialité, en clinquant. L’or a pris depuis Piero Manzoni toutes les connotations dont la psychanalyse freudienne l’a investi : Freud, constatant une transitivité entre la merde et les rapports économiques dans ses séances de thérapie analytique, en élabore l’hypothèse bien connue que l’argent (les échanges financiers, l’or) est une sublimation de l’excrément, objet du premier échange entre l’enfant et sa mère, sujet de la première contrainte civilisatrice (la propreté) et de la première retenue. La fameuse boîte de Manzoni en est une expression des plus synthétiques, puisque la « merde » y est aseptisée, en conserve, avec ses 30 grammes vendus (en 1961) au cours de l’or. Reproduite à 90 exemplaires, la boîte mettait alors en tension consommation et marché de l’art, valeur d’usage et valeur d’échange symbolique. Depuis, le marché de l’art a démontré sa dérive spéculative, puisqu’il est aujourd’hui impensable qu’une boîte signée de Piero Manzoni ne coûte qu’un millier d’euros. La demande par rapport à la modestie de l’offre en a fait exploser le prix. Or, on dit que le marché de l’art est une bonne représentation du système économique régnant. Dans ce dernier, l’or garde son pouvoir imaginaire et sa force symbolique. Pourtant, s’il reste pour certains une valeur refuge, son importance s’est évaporée au profit du bitcoin et des transactions numériques. Le système économique mondial s’est amplement dématérialisé, et pourtant ses effets demeurent parfaitement concrets et tangibles pour l’ensemble de la population. Parallèlement, l’art joue avec des concepts, et en premier lieu le concept de l’art et de sa valeur, mais souvent avec une preuve matérielle. Pendant ce temps, le marché reproduit les disparités sociales, attribuant à certains des sommes vertigineuses mais applaudissant à la gratuité de l’art.

Dans ses réalisations, Mary Pupet s’attache au pouvoir fascinatoire de l’or, mais ne néglige en rien les vertiges de la monnaie, du marché et l’attribution de la valeur.

 

L’or

L’or apparaît dans Emoji-Shit, une œuvre composée de deux rectangles de bois, modèles de savoir-faire menuisier du plus beau chêne, avec moulures et contre-moulures et coupes d’angle parfaites posées en vis-à-vis. Sur chaque exemplaire, un émoticône en forme de merde bien moulée nous regarde et nous sourit : tel le commentaire graphique des réseaux sociaux, l’étron dépose sur chaque pièce son estampille approbatrice. Mais bien que les deux pièces de chêne soient identiques (à part l’inversion angle ouvert à droite ou à gauche), l’un des emojis se pare d’or. Le vis-à-vis des pièces montre en miroir l’arbitraire de l’attribution de la valeur, et partant, du système économique en regard de l’art : l’une des pièces est une « merde » (certes, une merde souriante), tandis que l’autre montre le bonheur de la transmutation de la matière en or. Emoji-Shit apparaît en ce sens le prolongement logique de la série des cinq Emoji-Thumb up. Si l’émoticône en soi vaut pour la vitesse d’attribution du jugement de valeurs et de son manque de subtilité (j’aime / j’aime pas), avec les cinq nuances de glacis du pouce de la série, Mary Pupet insiste sur la nécessité de moduler les jugements en question. Mais là encore, la quasi-identité des pièces de bois ne fait que dénoncer l’arbitraire de la valeur. Et à quoi – à qui ? – s’adresse l’approbation ? Le cadre de chêne n’est-il pas la métaphore de la part artisanale de l’art, du savoir-faire, de l’engagement à faire au mieux ? Mais quel est le sens d’une approbation d’un travail qui sait être aussi reproductible qu’une marchandise industrielle ? Quelle dérision se glisse dans l’émoticône, ce jugement en fait dépersonnalisé, qui atteste que savoir-faire et qualité des matériaux ne sont plus que des signes à labelliser ? Un travail artistique existe-t-il sans la labellisation rapide d’un média ?

L’or encore

L’or en art vaut plus que l’or en barre. L’or, c’est l’aura d’une œuvre. En 1960, De Kooning rend un hommage critique à son marchand, Leo Castelli, disant que ce son of a bitch serait capable de vendre des canettes de bière si on lui en confiait. Aussitôt, Jasper Johns en fabrique deux (les boîtes Ballantine), simulant strictement ce produit courant, mais en le magnifiant dans le bronze. Castelli les vend. Ce retournement de ready-made en métal traditionnel rappelle que le collectionneur (l’économie ?) des années 1960 aime encore le durable. En fabriquant une canette plaquée « or », Mary Pupet montre que la valeur du bronze l’a cédé à l’éclat superficiel de l’or, qui sied désormais à l’objet banal. L’or a acquis cette qualité paradoxale d’être un produit de luxe de masse. Les légers pop-corns d’or ne disent pas autre chose : il faut désormais dans les détails ordinaires des signes de distinction, l’éclat des surfaces, une légèreté pétillante. Il faut que la vie soit une fête foraine, une boîte de nuit dont les lumières, « pendant que l’argent danse », font chatoyer les brillances. Dans bien des dessins de l’artiste, le clinquant des fêtes foraines fait éclater les lumières des néons ; grande roue et jeux scintillent avec les silhouettes des rennes du Père Noël ; les structures des manèges s’étoilent et étincellent… Tout est là pour briller…

 

L’artiste ne se contente pas d’observer le rapport fantasmatique de la société à l’aura de l’or. Elle suggère, à travers des amorces de récits ouverts à des interprétations éventuellement contradictoires, que des rêves, voire des utopies peuvent prendre corps au cœur même de l’omniprésente pression du système économique. L’un des récits que rapporte la vidéo Mille Lits fait aujourd’hui frémir. Dans l’euphorie des années 70 (pourtant averties dès 1972 par le Club de Rome qu’il fallait cesser l’idéologie de la croissance), l’idée d’un immense profit venant de la montagne rassembla quelques personnes – le PDG de la Caisse d’Épargne, un roi du pétrole, Jean-Claude Killy peut-être, selon le récit du dernier protagoniste – autour d’un vaste terrain dans les Pyrénées. Celui-ci pouvait être transformé en une cité, une ville, une île, de « mille lits ». Son immense domaine skiable allait rapporter des montagnes d’or. Cette perspective, dont chacun bénéficierait, investisseurs, population locale, consommateurs de neige, a posé sa marque sur l’artiste. Elle en a rêvé la construction, telle une forêt de grues d’or sur le terrain vierge. D’autres œuvres sont nées de cette « montagne d’or ». Et la première montagne des artistes, c’est celle de Caspar David Friedrich qui dresse sa sublimité devant le voyageur ébloui. Mary Pupet s’en empare pour en faire un paysage d’où s’écoulent des ruisseaux d’or, une montagne banque, un nid à pépites, la découpe imaginaire d’un cerveau d’où sourd l’art. Au moyen d’algorithmes (les transactions financières ne sont-elles ainsi réalisées ?), l’artiste fait virer les monts, les double et les redouble, associant la douceur des teintes du tableau romantique à la force de la feuille d’or, opposant la verdure veloutée aux textures sombres des roches noires. De leur jeu de retournement ou de symétrie, ces procédures algorithmiques tantôt exaltent le merveilleux, tantôt concentrent les nuances obscures, suggérant un souffle de catastrophe future, l’imminence du chaos…

 

Utopies

D’autres récits s’élaborent. L’artiste pêche, à travers l’histoire, des désirs d’utopie qui se fraient jusqu’à nous. Dans l’œuvre Partis pour Croatan, le cœur de la fiction est un bateau dessiné pour foncer sur l’eau, une sorte de ski-craft très effilé, dont les bandes colorées sur fond blanc accentuent encore l’aérodynamisme. Sa particularité est d’avoir huit places, toutes possédant son volant, ce qui n’est pas sans évoquer les petites voitures de manèges pour enfants. Dans une vidéo que l’artiste articule à cette œuvre, nous comprenons que le bateau possède autant de moteurs que de places : chaque conducteur peut donc se considérer comme le meneur des autres. Mais si tout le monde conduit le même bateau, quelle direction l’emportera ? Le résultat en sera-t-il l’anarchie ? La coordination gagnera-t-elle ?… Où est Croatan, ce lieu où il semble nécessaire de filer « à temps » ? Ce nom propre renvoie à l’histoire des colonisations, une histoire enflammée par le rêve de l’or, mais peut-être aussi par l’espoir de réinventer une société. Sous le règne d’Elisabeth Ire d’Angleterre fut ainsi projetée la toute première colonie du Nouveau Monde, dans l’île de Roanoke, aujourd’hui en Caroline du Nord. 115 personnes, comprenant femmes et enfants, partirent, équipées d’outils agricoles, pour fonder une cité. La guerre maritime faisant rage entre l’Angleterre et l’Espagne, ils furent laissés à eux-mêmes pendant trois ans. Lorsque le gouverneur chargé de les aider revint, il ne trouva de trace que ce mot : Croatan – le nom d’une île proche, gravé sur un poteau. Le mauvais temps l’empêche de s’y rendre… la mystérieuse disparition des colons laisse ainsi place à deux scénarios. Soit ils ont été massacrés par un peuple autochtone, soit ils se sont, ailleurs, fondus à lui. Partis pour Croatan devient alors une métaphore : sommes-nous tous déjà partis en raison d’un danger imminent ? Trop vite, individuellement, chacun à son volant, comme des enfants à une fête qui prend déjà fin ? Saurons-nous nous adapter ? L’intention de l’artiste est de teinter, pour chaque version sérigraphiée, les rayures du bateau selon une couleur différente pour chaque acquéreur. L’individualité, sa différence, est ainsi respectée, tandis que la version vidéo se termine par cette phrase : « We are a crew. » Mais, individus particularisés, sommes-nous capables de faire équipe ? Est-il possible de refonder une société ?

 

Monnaie

Refonder une société. L’histoire des utopies n’est pas très encourageante, et il est difficile aujourd’hui de concevoir une société en totale autarcie (imaginez un monde heureux : ne serait-il pas aussitôt vendu à l’insu même de ses habitants par une entreprise touristique ?) Le système économique exerce une emprise telle qu’il semble une forteresse à l’instar de la sévère architecture de Fort Knox redessinée par l’artiste. L’économie repose sur des réserves d’or, se répand en billets, et de plus en plus se crypte en bitcoins, une réalité immatérielle, tout comme le sont les mots, lesquels sont aujourd’hui pillés pour leur valeur commerciale. Mary Pupet se dédie à la fois aux signes concrets de l’argent (l’or, les billets), à ses concepts (son immatérialité), mais aussi à la valeur des mots. Elle s’y est attachée depuis la création, aujourd’hui bien connue de ses amateurs, de sa « monnaie de singe ». Après avoir œuvré pour le droit d’utiliser ce papier spécial à lecture optique, à hologramme, après avoir dessiné de véritables portraits de singes, l’artiste en a proposé la valeur : « rien », ou mieux : ce que chacun pense lui attribuer, puisque c’est une œuvre et qu’elle peut s’échanger contre de l’argent, mais aussi contre des services. Bref, les billets émis par la PMB, par la Monkey Pupet’s Bank, s’inscrivent dans le marché de l’art et tout en même temps proposent leur fonction de circulation et d’échange plus que de thésaurisation (puisque c’est une « monnaie de singe »). L’artiste a renchéri sur cette idée en élaborant sa banque comme un microsystème proposant conceptuellement (et concrètement) une économie qui utilise les mêmes principes que le système principal (le système est donc « singé »). Toutefois c’est la réflexion sur ledit système qui demeure ici la finalité. En ce qui concerne les mots, Mary Pupet/PUPET’S MONKEY BANK a conçu un principe légal pour empêcher des mots de devenir propriété privée d’une multinationale. À titre d’action à cet égard, l’artiste a acquis des mots, par un dépôt auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle. Elle en cède l’usage à qui le désire à condition qu’il ou elle ne l’emploie jamais à des fins commerciales, au moyen d’un véritable contrat de cession de droits de propriété...

 

Ces stratégies artistiques conceptuelles mettent en tension le rapport à la valeur que nous attribuons à nos productions matérielles et immatérielles. Grâce aux œuvres qui, depuis Duchamp, jouent de leur relation au marché de l’art (et donc au système économique), et dans la lignée desquelles s’inscrivent les réalisations de Mary Pupet, nous pouvons tester le pouvoir du système monétaire et gagner les moyens, peut-être, d’en diminuer la pression. Bruno Latour soutient que si nous décrivons véritablement nos conditions de subsistance, « les conflits apparaissent, les lignes de front se dessinent 1 », et nous devenons capables de savoir ce qu’il convient de faire. Est-il en ce cas utopique de passer du « paradigme de la rareté au paradigme de l’abondance », selon cette phrase que l’artiste reprend du spécialiste des systèmes monétaires Bernard Lietaer — tout en la masquant d’un or qui a viré au moutarde… ? Le microsystème MPB nous renvoie à ce phénomène grandissant de créations de monnaies destinées à développer, à côté du système monopolistique des banques, « un écosystème monétaire ». À ce jour, il y aurait, en France, une quarantaine de monnaies alternatives et autant de projets, et dans le monde sans doute plus de 5 000 monnaies hors monopole bancaire. Dans le passé, le phénomène des monnaies locales, qui naît dans les périodes d’incertitude, semblait s’éteindre le calme revenu au profit du contrôle par les banques. Mais Bernard Lietaer, que son indiscutable qualité d’expert rend plutôt crédible, dénonce le fait que le capitalisme, reposant sur le monopole monétaire, ne peut que provoquer crise sur crise. Il souligne en revanche la perdurabilité d’un système d’échange complémentaire tel que le pratique la Banque coopérative WIR, en Suisse, laquelle permet à des milliers d’entreprises de continuer leurs échanges au cœur des périodes d’instabilité. Cet économiste préconise une diversité des monnaies selon des usages plus sociaux, et comme économie d’accompagnement et non de remplacement. Les monnaies complémentaires permettent, dit-il, de stabiliser les échanges, de rendre à la monnaie son rôle de circulation en la retirant de la spéculation.

 

Partons-nous pour Croatan ? Les œuvres de Mary Pupet nous font voguer de l’or à l’art sur lesquels le monde spécule. Elles nous incitent ainsi à une spéculation réflexive sur nos conditions de subsistance.

 

Allons-y.

Chiche.

(*) MARY PUPET - Mucho Dinero - Editions Bernard Chaveau - 2018

 

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INTERVIEW RÉALISÉ À LA GALERIE PORTE AVION

DIRIGÉE PAR JEAN-JACQUES LA BERRE.

 

Jean-Jacques Le Berre. Qu'est-ce qui t'a amené à créer de la monnaie alors qu'en 2011 tu travaillais sur les mots?

Mary Pupet. Oui, il y a trois ans, je peignais des mots du management, des oxymores, des anglicismes que je transposais sur des machines à sous. J'en inventais aussi, parfois, mais le dernier travail était une enseigne où il était écrit «Mucho dinero». Et comme toute «fin de série», ma dernière pièce annonce toujours la suite… Là, c'était vraiment prémonitoire.

Dans les jours qui ont suivi, je suis tombée sur un article à propos de la monnaie complémentaire, il s'agissait plus précisément de monnaies fondantes. J'ai trouvé ça amusant, comme appellation. La monnaie fondante est une monnaie qui se dévalue avec le temps, elle est conçue pour ne pas être thésaurisée mais pour favoriser les échanges commerciaux. Moi qui travaillais sur les oxymores, j'ai immédiatement réagi et j'ai décidé d'en créer une. D'ailleurs, sur mes premiers billets il était inscrit que cette monnaie perdrait 1% de sa valeur chaque mois. Très vite, j'ai abandonné cette idée car entre temps le concept était devenu beaucoup plus complexe.

Effectivement, si on t'écoute ce projet embrasse beaucoup de choses à la fois et dépasse le simple rapport à l'argent. Tu parles de territoire propre, d'auto-identification…

Mary Pupet. L'idée de m'introduire chez les fabricants du document officiel était très grisante. D'ailleurs, ces gens-là n'arrivaient pas à comprendre pourquoi je les sollicitais. La visée de mon projet n'était pas tant la réalisation technique des billets, c'était très stimulant de travailler sur une marge de manœuvre. Chacun peut faire sa monnaie, le droit de tirage sur la richesse collective appartient à la collectivité.

Parallèlement, j'ai aussitôt créé la Pupet's Monkey Bank car la monnaie ne pouvait pas rester une œuvre isolée, ce projet ouvrait la voie à une institution artistique conceptuelle.

Quelles sont les opérations de la Pupet's Monkey Bank que tu présentes ici?

Mary Pupet. Symboliquement, la Pupet's Monkey Bank a acheté des droits de propriété. J'expose ces droits. Ils peuvent être cédés, à condition que soient respectées les intentions de ma démarche artistique. Un contrat sera établi lors de la cession des droits.
Une mallette remplie de bouteilles contenant des billets sera également exposée pour présenter une action consistant à jeter les bouteilles dans le Lac Léman en direction de la Suisse.
J'ai souhaité disperser des messages dans la galerie, il y en a dans des phrases robotiques et dans des dessins.

Ton micro système est-il une utopie?

Mary Pupet. L'utopie a deux sens. Généralement, on emploie ce terme pour parler de façon plutôt négative de quelque chose d'impossible. Mais c'est également utilisé pour évoquer un idéal.

Ça remonte à très loin. Au XVIIIe il existait un grand nombre de colonies utopistes, puis il y a eu les courants fouriéristes, les colonies pirates, les Hippies, les zones autonomes… Le concept de la Pupet's Monkey Bank peut faire référence à toutes les initiatives du genre, aux micro-systèmes créés aux marges des monopoles.
En 2011, on était en pleine crise bancaire. On a bien vu que le système bancaire pouvait s'écrouler du jour au lendemain. Malgré sa force d'efficacité et sa grande utilité, il a prouvé qu'il n'avait pas de capacité à rebondir. Une monoculture n'est pas fiable, il faut introduire une plus grande densité d'inter connectivité.

Est-ce pour cela que tu as écrit «du paradigme de la rareté au paradigme de l'abondance»?

Mary Pupet. En partie… c'est une hypothèse, une manière de voir les choses d'un autre point de vue.

Tout comme «The World Is Yours»?

Mary Pupet. Oui, j'ai beaucoup travaillé sur des représentation de la montagne. Pour chacune d'elle, j'ai choisi une montagne de 4000 hectares, propriété de la Caisse d'Epargne. Il n'y a pas de revendication derrière ce choix. Néanmoins, c'était mieux de choisir une montagne française qui appartenait à une banque plutôt que n'importe quelle montagne. Curieusement, celle-ci avait été cédée à des capitaux belges rapatriés du Congo. Toute une histoire!


While money is dancing est une œuvre imposante et étrange. S'agit-il des armoiries de la banque?


Mary Pupet. La Pupet's Monkey Bank n'a pas d'armoiries mais j'ai pensé cette pièce comme une force dans l'exposition. Bien qu'elle soit en forme de soleil, elle est très austère. Je voulais vraiment lui donner cette gravité-là en opposition à l'excès de convivialité. La convivialité masque bien souvent une grande dureté.

Entretien réalisé par Jean-Jacques Le Berre à l'occasion de l'exposition de Mary Pupet, «Pupet's Monkey Bank», à la galerie Porte Avion. Avec l'aimable autorisation de la galerie Porte Avion (Marseille).

 

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